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Et si le vote des agriculteurs faisait basculer le second tour de la campagne présidentielle ?

Les candidats à la présidentielle n’ont accordé jusqu’ici que peu de place aux sujets agricoles. D’ailleurs ceux-ci n’ont guère émergé dans les débats du 1er tour. Pourtant, Marine Le Pen semble vouloir s’adresser soudainement aux agriculteurs. Hasard ou stratégie électorale ? #ArtcherDécrypte ! 

Lundi 11 avril, au lendemain du Premier tour, la candidate RN, était en déplacement chez un céréalier dans l’Yonne. Le lendemain, sur le plateau de @FranceInter, elle dénonce les politiques de l’#UE en prenant pour exemple la Politique Agricole Commune et “Farm to market”. Marine Le Pen semble bel et bien partie à la conquête du vote des agriculteurs pour cette campagne de l’entre-deux tours. Et, cette stratégie pourrait s’avérer déterminante au soir du 23 avril, compte-tenu du poids réel des agriculteurs dans le dénouement de l’élection présidentielle, par-delà les statistiques. Reste à voir si Emmanuel Macron, lui emboîtera le pas dans le cadre de ses déplacements de campagne.

Car si les producteurs ne représentent aujourd’hui qu’environ 1,5% du corps électoral, le monde agricole dans son ensemble pèse bien davantage. Si on tient compte de toutes les professions associées, les familles ou les retraités, nous serions en effet plus proche des 8% d’après le sociologue François Purseigle. Une base électorale non négligeable, compte tenu de la faible réserve de voix dont disposent les deux candidats en lice pour le second tour conjuguée au poids probable de l’abstention. On comprend donc que l’influence de la population agricole est bien plus forte que les chiffres ne peuvent le laisser penser. 

«Une élection présidentielle ne se gagne pas avec les voix des agriculteurs, mais elle peut se perdre avec les voix des agriculteurs » François Purseigle

La forte mobilisation électorale des agriculteurs comparativement au reste de la population française peut peser lourd dans la balance. Une étude publiée en mars 2022 par Terre-Net Datagri, mettait ainsi en exergue le fait que 94% d’entre eux avaient l’intention de se rendre aux urnes contre 66% pour le reste de la population française. Mais attention pour autant de ne pas aller trop vite en besogne. 

Historiquement, si les agriculteurs figuraient parmi les catégories les moins sensibles au discours de l’extrême droite selon une étude de Fondation pour l’innovation politique en 2016, un tournant s’opère au début des années 2000. En 2002, 22% des agriculteurs votent Jean-Marie Le Pen. La tendance se confirme aux élections suivantes. En 2012, Le Front national obtient 12,5% des suffrages au 1er tour de la présidentielle. 5 ans plus tard, Marine Le Pen est créditée de 35% des intentions de vote du monde agricole avant le 1er tour. La droite républicaine est en nette régression sur cette population. Le risque est donc réel de voir l’extrême droite poursuivre sur cette dynamique le 23 avril prochain.

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En effet, bien que la tendance politique historique des agriculteurs penche à droite, une bascule vers l’extrême droite n’a jamais été aussi envisageable. Surtout que les conséquences de la guerre en Ukraine mettent encore davantage la pression sur un monde agricole déjà assez largement désespéré. Rappelons que 7 agriculteurs sur 10 n’avaient pas confiance dans l’action du gouvernement, selon une étude IFOP / FNSEA publiée en décembre 2021.

De nombreuses questions restent en effet sans réponses effectives : conditions d’une meilleure rémunération, allégement des contraintes qui impactent la compétitivité de l’agriculture et accessibilité pour tous à une nourriture française de qualité. Ajoutons à cela, le sentiment de non-représentation des agriculteurs par le président sortant.  Même s’il faut noter une amélioration notable de l’image du gouvernement chez eux depuis l’arrivée de @Julien Denormandie au Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. 

Pour autant rien n’est joué. En novembre 2021 (Etude Terre-Net Data Agri), 29% des agriculteurs manifestaient leur intention de voter extrême-droite pour la présidentielle de 2022. Mais fin février, Emmanuel Macron a semblé faire une percée au sein du monde agricole comme le révélait un sondage IFOP/FNSEA qui le créditait alors de 30% des intentions de vote devant Valérie Pécresse, Eric Zemmour et Marine Le Pen. 

En multipliant les signes d’intérêt vis-à-vis des agriculteurs, la candidate RN pose ses cartes. Elle poursuit une campagne au plus près du terrain et ne néglige aucun sujet de société. Donnée perdante, l’élection pourrait cependant se jouer dans un mouchoir de poche et elle sait que chaque voix comptera.